Quebec, Israel and the Jewish community - Speech by Premier of Quebec Bernard Landry

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This is an unofficial translation of a speech delivered on May 14 2001 by Bernard Landry at the occasion of a luncheon meeting with the Jewish community at the Gelber Conference Centre. Read the original here.


Montréal, Monday May 14 2001

Seul le texte prononcé fait foi.

Mister the Mayor of Montréal, Mister the Consul General of Israël, Mister the Secretary of State for Immigration and Integration, Mister the President of the Canada-Israël committee, Québec region, Madam the President of the CJA Federation, Mister Stanley Plotnick, former president of the CJA Federation, Mister Steven Cummings, next president of the CJA Federation, Mister President of the Sephardic Community of Québec, Mister President of the B’nai Brith's International Relations,

Monsieur Joseph Gabay, new president of the Canadian Jewish Congress, Québec section, allow me to underline and salute your election. J’ose croire que vos connaissances encyclopédiques sur le plan biblique seront un gage de sagesse et de succès dans la conduite des affaires de la communauté. Félicitations et Mazal Tov. On m’indique également que la présidence de la Fédération CJA devrait revenir dans environ deux ans à un autre sépharade, Sylvain Abitbol. Au train où vont les choses, je crains que, d’ici quelques années, le seul poste disponible pour les ashkénazes soit la présidence de la communauté sépharade.

Le grand rabbin du Québec arrive au paradis. Il est accueilli par des anges qui le conduisent à sa nouvelle demeure, un bel appartement, deux chambres à coucher, cuisine rénovée parfaitement ensoleillée. Par la fenêtre, il aperçoit en face un petit palais, vingt chambres, dix salles de bain et neuf salons. Le rabbin demande: « Quel sage habite cette superbe résidence? » L’ange de répondre: « Cette demeure est libre. Elle est réservée à Bernard Landry, premier ministre du Québec. » Le rabbin entre dans une terrible colère. « Comment moi, rabbin, j’ai consacré mon existence à parler de Torah, un petit quatre et demi, et lui, ce mécréant, une si belle résidence? Je veux parler au Bon Dieu ». Le rabbin exprime ses doléances au Bon Dieu, fait part de sa surprise et demande une explication. Et le Bon Dieu de lui répondre: « Toi, rabbin, quand tu parlais de Torah à la synagogue, tout le monde dormait. Mais lui, Bernard Landry, quand il va dans les synagogues pour parler de souveraineté, tout le monde se met à prier! »

Il y a 53 ans, jour pour jour, le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclamait la création de l’État d’Israël. Le peuple juif, si riche en histoire et si pauvre en géographie, renaissait ainsi de ses cendres et s’élevait à la dignité de peuple libre. Le rêve d’un État juif souverain devenait enfin réalité. Comment a-t-on pu nier ce droit à un peuple qui, bien que dispersé aux quatre coins du monde, a partout contribué aux conquêtes de l’esprit, à l’avancement de son pays. Léon Trotski, Albert Einstein, Rosa Luxemburg, Sigmund Freud, Claude Lévi-Strauss, Léon Blum, Pierre Mendès France, et j’en passe; les Juifs ont consolidé trop de destins nationaux pour ne pas mériter la reconnaissance de leurs droits ancestraux. Cet État, les Juifs le doivent à leur courage et leur persévérance. Fidèles au message des pères fondateurs, les Israéliens ont bâti une démocratie exemplaire, poussant l’audace d’accepter au sein de la Knesset, le Parlement israélien, des formations politiques ouvertement antisionistes. Pourtant, en 53 ans d’existence, ce peuple, qui a toujours vécu en état d’urgence, a su préserver l’essentiel, la démocratie.

L’ardeur avec laquelle Israël a réhabilité et revitalisé une langue vieille de plusieurs millénaires mérite également toute notre admiration. Comme l’affirme avec humour Shimon Peres, Israël est aujourd’hui le seul endroit au monde où les enfants jouent dans la langue des prophètes, le seul pays où les enfants enseignent à leurs parents leur langue maternelle. Terre des prophètes, Israël a su devenir une terre de promesses et de richesse pour tous ceux venus y trouver refuge. Noirs et Blancs, malades et bien-portants, de Russie, de l’Inde ou de l’Éthiopie, « boat people » vietnamiens ou musulmans de Bosnie: tous ont pu découvrir le sens du mot « solidarité » en foulant le sol de ce pays.

À l’invitation officielle de l’État d’Israël, j’ai eu le privilège d’effectuer une mission dans ce pays, une mission riche d’enseignement, mais également dense et intense sur le plan des émotions. Aucun mot ne pourra traduire l’émotion ressentie lors de la visite du Yad Vashem et du mémorial consacré au martyr de 1,5 million d’enfants. Parlant de la condition de rescapé, le grand penseur et poète Aaron Zeitlin s’adresse quelque part à tous ceux qui l’ont quitté, son père mort, son frère mort, ses amis morts: « Vous m’avez abandonné, leur dit-il, vous êtes ensemble sans moi. Moi je suis ici seul et je fais des mots. »

J’avoue éprouver aujourd’hui le même sentiment, ce sentiment indicible de traduire mais également de trahir par mes mots cette insondable souffrance du peuple juif, cette expérience de la folie absolue. Israël est à cet égard le porte-parole ou plutôt le porte-silence pour ne pas dire le porte-absence de 6 millions de victimes dont le rêve a été brutalement étranglé et dont Israël porte le précieux et saint fardeau de leur mémoire.

Plantation de cyprès à l’orée de Jérusalem... Bien que toute comparaison soit périlleuse, force est de constater que, entre le Québec et Israël, les analogies sont légion. Je n’en citerai que quelques-unes. Le célèbre historien Arnold Toynbee avait un jour écrit: « Après une catastrophe nucléaire, deux peuples survivront, les Chinois par leur nombre, les Canadiens français par leur obstination. » Cette farouche volonté de traverser les siècles n’est-elle pas commune à nos deux peuples? On retrouve, ici et là, ce besoin indescriptible d’être acteur et non plus spectateur de son propre destin.

À l’instar du Québec, l’avenir culturel d’Israël, où plus de 500 000 personnes maîtrisent la langue de Molière, reste encore lié à l’Europe, sa composante française et francophone. Le romancier tchèque Milan Kundera, récipiendaire du prix de Jérusalem, avait résumé cet attachement très spécial dans les premiers mots de son allocution justement prononcée en français: « Les Juifs, même après avoir été tragiquement déçus par l’Europe, sont restés fidèles à ce cosmopolitisme européen, et Israël, leur petite patrie enfin retrouvée, surgit à mes yeux comme le véritable cœur de l’Europe. »

Sur le plan symbolique, nos drapeaux ont la même couleur, et la fleur de lys a été pendant longtemps un des symboles juifs les plus utilisés. Cette identification du peuple d’Israël au lys est attestée sur une période d’un millénaire au moins, soit jusqu’à la destruction du second temple (70 de notre ère). Le lys est apparu dans les premières monnaies frappées sous souveraineté juive, soit au 4e siècle avant J.-C., et était un symbole de l’autonomie politique de la Judée par rapport aux grands empires. Aujourd’hui, la pièce israélienne de un shekel (40 cents) reprend d’ailleurs exactement ce motif. L’immigration a également profondément transformé le visage de nos deux sociétés, et les efforts de francisation du Québec trouvent un parallèle dans les oulpanims israéliens où l’hébreu est enseigné aux nouveaux venus. Autre exemple, avec des populations comparables sur le plan du nombre, un PNB à peu près équivalent, nos deux États se démarquent sur leur continent d’appartenance par l’importance accordée à l’économie du savoir.

Chers amis, l’amitié que je porte à Israël m’autorise à ne point dissimuler mes inquiétudes. Dans la région, à nouveau, l’histoire bégaie. Israéliens et Palestiniens assistent impuissants au déroulement d’une actualité qui échappe à l’emprise de la sagesse et de leurs intérêts. Or, ces deux peuples, si pareillement battus par l’histoire, doivent malgré tout emprunter la voie du dialogue. Ces négociations de paix ont fait couler plus de sang que d’encre. Les Israéliens ont obtenu ce qu’ils ne voulaient pas, des attentats, et les Palestiniens n’ont pas eu ce qu’ils voulaient, un État.

Les Israéliens, par leur ténacité, ont su préserver l’existence d’Israël. Ils se doivent aujourd’hui d’en défendre l’essence. La grandeur d’un pays n’est pas fonction de sa superficie. La grandeur d’un peuple ne se mesure pas par sa démographie. J’ai toujours cru que le sionisme ne pouvait se calculer en kilomètres carrés. Je continue plutôt à croire à la formule de feu l’ancien premier ministre Itzhak Rabin : « Il faut faire la guerre à la guerre sans jamais laisser en paix les ennemis de la paix. » Le pessimisme n’est ni une solution ni une ambition. Cette paix des braves ne doit pas devenir un marché de dupes. Je reste convaincu que Israéliens et Palestiniens sauront puiser dans leurs ultimes ressources pour que la paix l’emporte, une paix qui leur permettra de vivre côte à côte sans que l’un prenne nécessairement la place de l’autre.

Mesdames et Messieurs, fidèle au thème de mon allocution, je souhaiterai dire quelques mots sur les relations qui unissent les Québécois juifs et non juifs. Je le ferai sans me dérober non plus au besoin que j’éprouve de dire un mot sur mes interrogations concernant vos appréhensions face au projet de société mis de l’avant par ma formation politique. Entre les solitudes compartimentées de la mosaïque canadienne et l’uniformisation du melting pot américain, les conditions sont aujourd’hui réunies pour activer la construction d’un modèle qui nous soit propre.

Sur le plan institutionnel, dans le secteur de la santé, l’Hôpital général juif, en plus de sa réputation d’excellence tout à fait justifiée, est aujourd’hui le porte-avions amiral du rapprochement entre Québécois juifs et non juifs. 40 % des médecins et 60 % des patients sont non juifs. L’Hôpital est sans doute l’exemple le plus concluant de la contribution de la communauté au bien-être de l’ensemble de la collectivité. Cette institution incarne, en ce siècle qui débute, les valeurs d’accueil, de partage et de solidarité qui animent votre communauté. Le nouveau campus communautaire juif traduit également votre profond désir d’inscrire la communauté juive québécoise dans la pérennité. Il symbolise pour l’ensemble des Québécois un lieu commun d’échange et de partage avec tous les Juifs du Québec, une terre perçue à juste titre par vos ancêtres comme un espace de liberté et de convivialité. Les conclusions du Rapport des incidents antisémites 2000 de la Ligue des droits de la personne du B’nai Brith confirment cette perception: « Les formes les moins reluisantes de racisme qu’a connu le Canada sont imputables aux néo-nazis, aux tenants de la suprématie blanche ou aux révisionnistes de l’extérieur de la province. La plupart des groupes haineux présents au Québec ne sont pas francophones. »

Soulignons au passage que c’est au Québec que l’on retrouve le plus grand nombre d’écoles juives subventionnées par l’État. Sur un plan plus personnel, nous pouvons également nous étendre sur le rôle des entrepreneurs juifs dans le développement économique du Québec (Steinberg et l’industrie agroalimentaire).

Jacob Isaac Segal, Léonard Cohen et Naïm Kattan ont, en prose ou en vers, chanté les beautés de la métropole. N’a-t-on pas entendu, au théâtre Saidye Bronfman, Les Belles-Soeurs de Michel Tremblay s’exprimer en yiddish et en judéo-arabe. Et que dire de Pierre Anctil, chantre du dialogue des cultures, qui parle le yiddish avec autant d’aisance que le français. Pierre Lasry, dans une entrevue accordée à Élias Levy, a raison d’affirmer: « Tous les Québécois ont des origines marranes. Mathématiquement, on peut le prouver. Mon livre démystifie l’idée chimérique du Juif tricoté serré et du Goy tricoté serré. Le Québécois tricoté serré, ça n’existe pas! » Ce dialogue porte des fruits, et une multitude d’organismes contribuent à bâtir des ponts. Des réalisations remarquables ont été accomplies et laissent espérer l’atteinte de nouveaux sommets. Et pourtant...

Sur le plan politique, nous ressentons tous une certaine crispation au sein de la communauté juive. Cette communauté n’est pas monolithique. Elle est naturellement et heureusement riche de sa diversité. On y trouve des orthodoxes et des non-pratiquants, des riches et des pauvres, des jeunes et des vieux, des francophones, des anglophones et des allophones. Comment alors traduire ce comportement quasi unanime de la communauté sur le plan politique? La souveraineté, me direz-vous. C’est oublier que 20 % des péquistes sont non souverainistes et que 10 % des libéraux sont souverainistes. La souveraineté n’est pas le monopole du Parti Québécois.

En France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, les Juifs votent majoritairement pour les socialistes, les travaillistes ou les démocrates. Pourquoi une formation social-démocrate comme le Parti Québécois est-elle incapable de rejoindre les 20 % de la communauté juive qui vit au-dessous du seuil de la pauvreté? Cette question et bien d’autres restent toujours sans réponse.

Chers amis, est-il besoin de préciser que ce questionnement n’altère en rien ma détermination à être toujours à vos côtés pour assurer la pérennité, en sol québécois, de votre merveilleuse communauté. Ce souhait, je l’adresse également à l’État d’Israël en espérant, tout comme vous, que le soleil de la paix rayonne enfin sur toute la région.