Le Parti québécois : pour ou contre l'indépendance?
Extrait du pamphlet Le Parti québécois : pour ou contre l'indépendance? d'Andrée Ferretti.
Présentation
Après 237 ans d'appartenance à un peuple conquis et annexé, dépossédé, dominé et exploité, bafoué et méprisé, sans cesse assiégé et sans cesse minorisé, je n'ai plus la patience d'attendre patiemment la fin du génocide, inéluctable, si nous ne faisons pas l'indépendance dans les plus brefs délais.
Après 33 ans de militantisme quotidien pour l'indépendance nationale du peuple québécois, je n'ai plus la patience d'admettre patiemment que des politiciens encore aliénés et/ou en mal de pouvoir en retardent indéfiniment l'échéance.
J'en ai assez du détournement de mon militantisme à des fins politiciennes, qu'elles se déguisent sous les apparences d'un objectif de souveraineté-association ou de souveraineté avec partenariat.
J'en ai assez de gagner des batailles électorales à coup de bonnes tactiques et de perdre des référendums faute d'une véritable stratégie, appropriée à un objectif d'indépendance nationale.
Or, quand on sait que le but de toute stratégie est d'atteindre les objectifs fixés par la politique, en utilisant efficacement les moyens disponibles, on ne se surprend guère de l'absence, au Parti québécois, d'une stratégie indépendantiste, puisque aussi bien ce parti ne l'est pas et ne l'a jamais été, mise à part la période où M. Jacques Parizeau l'a dirigé. Malheureusement, même sous sa conduite, le parti n'a pas su se doter d'une stratégie adéquate à son nouvel objectif. Entièrement dominé par ses technocrates élus et non élus, par ses bureaucrates et autres conseillers et attachés politiques non élu, le Parti québécois est depuis au moins 20 ans soumis aux exigences exclusives des luttes électorales. Enlisé dans des structures et des modes d'action d'une rigidité inflexible, il étouffe tout esprit d'initiative de ses militants, d'où leur nombre restreint par rapport à celui des cotisants. Il est devenu si réfractaire à la discussion des objectifs idéologiques du parti et des politiques gouvernementales que la moindre remise en question, si elle se veut efficace, doit passer par les médias et prend, dès lors, une allure conflictuelle.
Cette situation est d'autant plus grave que le Parti québécois exerce une hégémonie absolue sur l'ensemble du mouvement indépendantiste ainsi soumis à une stratégie globale qui ne sert pas ses fins. Il est donc temps, après bientôt 40 ans d'existence, qu'il prenne conscience de l'engrenage qui le fait tourner en rond depuis au moins la fondation du Mouvement souveraineté-association, et qu'il y mette le grain de sable susceptible de l'enrayer.
Pour ma part, j'ai 61 ans et j'ai bien l'intention de ne pas mourir avant l'accession du Québec à l'indépendance nationale, à moins de mourir pour elle.
Bien au-delà des grincements de dents, c'est une crise que j'espère provoquer par la rédaction et la publication de ce pamphlet, puisque les crises sont le ressort même des changements nécessaires.
Comme l'indépendance du Québec constitue un enjeu primordial non seulement pour la libération nationale du peuple québécois mais pour l'avenir du Canada, dont elle menace les intérêts politiques, économiques et stratégiques, le conflit déjà majeur entre les forces en présence ne peut que s'aggraver, à moins que, encore une fois, nous nous écrasions devant la puissance ennemie dont l'objectif et la stratégie ne visent rien de moins que notre disparition. D'où, depuis le 30 octobre dernier, ses attaques redoublées et sans merci à nos vulnérabilités.
Avec l'espoir d'en démontrer la nécessité, je viens ici en appeler à la conscience et à la responsabilité de tous les indépendantistes, qu'ils militent dans le Parti québécois ou qu'ils oeuvrent en dehors de ses rangs, pour que nous nous mobilisions et élaborions ensemble une véritable stratégie indépendantiste susceptible de nous faire mener une lutte enfin victorieuse.
[...]
Conclusion
Rien de plus ancien et de plus puissant dans mon imaginaire que cette religieuse, ma maîtresse d'école, en troisième année primaire, qui pleure encore, après peut-être 20 ans d'enseignement de la même matière, en racontant à ses élèves la défaite des Plaines d'Abraham. Rien de plus durables dans ma mémoire que mes propres larmes à l'écoute du récit de cette tragédie. Rien de plus farouche en moi que le désir du pays perdu, rien de plus déterminé que ma vocation à le reconquérir.
Rien de plus enraciné ni de plus actif que mon désir de liberté né de l'enseignement de mon histoire nationale.
C'est en apprenant mon histoire nationale que j'ai appris que la liberté est une responsabilité qui impose de répondre de ce qui arrivera d'imprévisible, de ce que l'avenir réserve, le mauvais comme le bon. C'est en apprenant mon histoire nationale que j'ai appris qu'il n'y a de dignité humaine individuelle et collective que dans la liberté qui est toujours un combat dans lequel on se conquiert en se donnant. Toute liberté, en effet, appelle le dépassement, exige d'un peuple comme d'un individu qu'il attende de lui-même plus qu'il ne pourra jamais réaliser.
D'où ma colère devant l'ineptie du Parti québécois qui, en trois mandats de gouvernement, n'a pas imposé l'enseignement de notre histoire nationale dans nos écoles primaires. Se peut-il qu'un parti qui se prétend voué à l'émancipation nationale du peuple québécois nie délibérément à ce peuple le droit, exercé par tous les autres peuples de la Terre, d'enraciner son présent dans son histoire pour bien orienter son avenir. L'histoire est l'ordre à la fois réel et symbolique où un peuple puise ses points de repère pour défricher et déchiffrer le champ et le sens de son destin.
La connaissance de mon histoire nationale m'a aussi appris que la vie est un pari chaque minute renouvelé. Qui ne retourne pas les cartes s'incarcère dans la survivance.
Ce pamphlet est né de mon désir de faire partager à tous mes compatriotes mon sentiment d'urgence à vivre enfin dans un pays libre où, riches de nos récentes évolutions, nous pourrons nous ouvrir au monde et nous ouvrir sur le monde, penser et créer enfin notre humanité spécifique et l'inscrire ainsi dans l'universel.